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Gel du pass Culture : un coup d'arrêt pour l'EMI ?

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Dernière mise à jour : 14 mars

Alors que le budget du pass Culture collectif, alloué par le ministère de l'Éducation nationale, est gelé pour 2025, les enseignants s'inquiètent pour la suite de leurs projets culturels de l'année. L'éducation aux médias et à l'information (EMI), plébiscitée par les collèges et les lycées, pourrait être l'une des grandes perdantes de cette décision politique.


Le gel du Pass Culture menace ces initiatives essentielles pour les élèves.


Drôle de paradoxe. Alors que le rapport des États Généraux de l'Information avait désigné l'éducation aux médias et à l'information comme un enjeu primordial, le gouvernement a coupé le robinet du pass Culture au sein de l'éducation nationale, c'est-à-dire là où enseignants, documentalistes et journalistes avait multiplié les projets ces dernières années. Pour Jean-Christophe Theobalt, chargé de mission au ministère de la Culture, qui gère le volet individuel du pass Culture, le diagnostic est simple : "victime de son succès". "En 2024, un budget de 62 millions avait été attribué, auxquels ont été ajoutés 35 millions en cours d'année. Pour 2025, ils avaient rallongé le budget annuel pour atteindre 72 millions, mais en février, 50 millions avaient déjà été dépensés..."


Dans le contexte budgétaire actuel, le couperet est tombé : gel brutal. Face à la levée de boucliers des différents acteurs, le ministère a finalement autorisé 10 millions de dépenses supplémentaires. Il restera donc 12 millions pour l'ensemble des projets de l'automne. Cinq fois moins que ce qui a été dépensé au premier trimestre, donc. Difficile à comprendre pour les acteurs. "On a le sentiment d'un double discours, déplore Camille Lafrance, directrice d'une association qui propose des ateliers. Alors que la volonté politique est réaffirmée, les moyens se tarissent…"



Des projets en hausse


Il faut dire que l'EMI et l'école, c'est désormais une belle histoire d'amour. Si, dans un premier temps, "les enseignants ont eu des difficultés à s’en saisir", note Audrey Radondy, qui anime des ateliers, "les documentalistes ont pris le relais et ont lancé beaucoup de choses. C’est bien de construire des projets sur le long terme, et pas juste des interventions ponctuelles." Serge Barbet, directeur du Clemi, abonde : "On sous-estime beaucoup ce qui se fait déjà à l'école. Le sujet est partie prenante des enjeux éducatifs. Ce que l’on voit sur le terrain des écoles, même en milieu rural, est incroyable. On fait tomber les barrières. Bien sûr qu’en région parisienne l’offre sera plus importante, mais il y a des projets incroyables en milieu rural. Je ne dis pas que c’est idéal, loin de là, mais, quand on parle d’EMI à l’école, on est en deçà de ce qui existe déjà, ou alors on extrapole sur des choses infaisables."


Du côté des journalistes, on ne boude pas son plaisir en salle de classe. "Ça a du sens d'être sur le terrain, au plus près des gens, et de faire de l'EMI", confirme Audrey Radondy, qui souligne que beaucoup de journalistes indépendants y ont aussi trouvé une source de revenus importante pour des profils souvent précaires.

Une situation que beaucoup de pays étrangers observent avec attention. "La France a ouvert une voix sur cette dernière décennie, explique Serge Barbet. Il y a des enjeux de démocratie immense. C’est peut-être grâce à l’EMI qu’on est un peu plus résistant et résilient par rapport à l’extrême droite. Y compris par rapport aux États-Unis par exemple."


"Après 15 rapports, il est peut-être temps de prendre vraiment des décisions."


Reste que, en bout de chaîne, les financements manquent souvent. "Il y a beaucoup d’acteurs motivés, le problème n’est pas là, le souci est politique, pointe Etienne Millien, directeur de l’Association pour l’Éducation aux Médias. Les sujets s’empilent, se mélangent. Après 15 rapports, il est peut-être temps de prendre vraiment des décisions. Parce que les acteurs sont là, motivés, disponibles, demandeurs. Ce n’est pas une question de personnes, on a besoin d’une impulsion politique."


Notamment pour aller toucher un public plus large. Parce que si l'école, malgré de grandes disparités par établissements, est globalement bien couverte, ce n'est pas le cas du public adulte, grand oublié de la manœuvre. "L'EMI est trop souvent connotée public jeune et scolaire, regrette Jean-Christophe Theobalt. Mais ça doit être tout au long de la vie. Or, le public adulte est plus compliqué à toucher et à former : ça doit être une priorité."



S'organiser et coopérer


Autre enjeu majeur : l'organisation et la mutualisation. Les nombreuses initiatives sont généralement éparpillées, et les ressources peu visibles. Pour Audrey Radondy, "la dynamique doit être nationale". "Il y a un sentiment d’opposition entre les différents acteurs ou les associations, une peur de la concurrence. Mais l’objectif doit être de s'organiser pour toucher le plus de monde possible." Même son de cloche chez Jean-Christophe Theobalt, qui plaide pour "la mutualisation des outils, des initiatives, des acteurs". "On passe à côté de plein de coopération, et chacun réinvente son outil dans son coin. Si on les référençait et qu'on les partageait, ça permettrait des grandes avancées."


Un moyen, comme le préconise Serge Barbet, "de remettre au goût du jour le concept de coopétition". Car même si le pass Culture, qui avait donné un véritable coup de boost aux projets d'éducation aux médias, fait son grand retour dans un futur proche, on tend plus certainement vers le maintien de l'enveloppe actuelle, voire vers une diminution, plutôt que le contraire, alors que les besoins augmentent. Il faudra donc bien inventer une nouvelle formule pour résoudre l'équation.


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