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Les rencontres d'Arles face au défi climatique

Photo du rédacteur: Benjamin MathieuBenjamin Mathieu

Dernière mise à jour : 9 sept. 2023

Le festival international de photographie poursuit sa prise en compte des enjeux climatiques dans sa programmation. Pour cette édition 2023, il a même dédié l'un de ses espaces d'exposition à cette thématique. Paradoxe, ses horaires d'ouverture ont dû être modifiés en raison d'une canicule.


Reportage en Arles de Benjamin Mathieu



Des visiteurs dans la salle "Ground Control" où la chaleur est à peine supportable. Photo : Benjamin Mathieu


Dehors, le thermomètre s'affole. Nous sommes en pleine canicule en ce mois d'août et la chaleur est écrasante. L'après-midi, il fait entre 35 et 40° à l'ombre, ce qui rend quasi impossible toute activité en extérieur. Les rues sont désertes. De nombreuses salles d'exposition des rencontres d'Arles sont néanmoins climatisées ou se trouvent dans des lieux frais comme des églises ou des musées. Mais d'autres sont de véritables fournaises. C'est le cas de l'espace Ground Control, d'ancien hangars de la SNCF situés juste à côté de la gare d'Arles.


Le site sert d'expérimentation dans le cadre d'une enquête initiée par les rencontres d'Arles et la cité anthropocène, un collectif lyonnais d'urbanistes qui s'interrogent sur les "bouleversements majeurs qui appellent à la mobilisation et à la réunion des sociétés et des sciences". Ground Control est cette année le centre de cette réflexion consacrée à l'adaptation des espaces aux canicules dans le cadre du réchauffement climatique. Au delà des expositions présentées, le lieu lui-même constitue un point de réflexion et une visite qui vaut le détour. L'air conditionné, qui pourrait paraître pourtant nécessaire dans ce lieu mais qui accroit paradoxalement le réchauffement climatique, y est banni. A la place, des ventilateurs géants tentent de rendre la visite supportable pour les visiteurs et les personnels du festival, mais ils ont leur limites. La température est intenable en période de canicule et le site a du être fermé certaines après-midi donnant ainsi toute sa force au sous-titre du festival cette année, "un état de conscience". L'adaptation à cette nouvelle donne climatique passe donc ainsi par des horaires de visites aménagés, un changement important dans le cadre de ce festival plus que quinquagénaire.


Tanja Engelberts. Image extraite de la vidéo Fleuve mort, vidéo 4k, 16/9, couleur, 15 min, Pays-Bas, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.


Un autre espace, beaucoup trop climatisé cette fois, au dessus du supermarché Monoprix, propose trois expositions regroupées sous la dénomination "Ici près". Il présente trois projets traitant des nuisances variées qui menacent l’équilibre écologique d’Arles et de ses environs. L'enquête menée par l'artiste Mathieu Asselin s'avère aussi impénétrable que passionnante. Dans La Chasse de la Tarasque, l'artiste se livre à une véritable enquête journalistique et artistique sur l’usine Fibre Excellence, située à une dizaine de kilomètres de l'ancienne capitale de la Rome Antique. Spécialisée dans la production de pulpe de papier, l’usine appartient au groupe indonésien Asia Pulp and Paper Group. L’artiste arlésien explore les différents types de pollutions générées par le site, interviewe des activistes, recueille des données sur l'usine, "l'une des plus polluantes du Rhône", pour produire ce qui peut s'apparenter à un documentaire artistique, mêlant données factuelles et représentations subjectives. Le sujet est captivant, le rendu artistique, très contemporain, rend toutefois l'exposition assez difficile d'accès. La Chasse de la Tarasqueest donc assez éloigné du photo-journalisme ou du documentaire vidéo. Sa démarche se rapproche toutefois de celle d'un "lanceur d'alerte" citoyen et le sujet s'avère particulièrement passionnant. Le projet est d'ailleurs mené en collaboration avec l'association locale, engagée pour la protection environnementale, les flamands roses du Trébon.


Mathieu Asselin. Eau. Carte du Rhône de Tarascon à Arles, image d’archive de l’Institut national de l’information géographique et forestière, série La chasse de la Tarasque, France, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Un troisième lieu des "Rencontres", la fondation Manuel River Ortiz, explore lui aussi la thématique environnementale. Regroupées sous le sigle "Grow up", plusieurs expositions proposent des regards croisés sur le mouvement des plantes à travers le monde. Chaque focus met en avant la relation entre les plantes et l'Humain, explorant les relations locales d’un territoire mais aussi internationales. Le travail des photographes du collectif Les Associés est particulièrement pertinent. Hervé Lequeux et Alexandre Dupeyron proposent un retour touchant quelques mois après les feux dévastateurs de Gironde auprès des habitants. La malheureusement trop courte exposition donne la parole à ceux qui ont vécu le désastreux incendie de la Teste de Buche et de Landiras. Ils y racontent l'incroyable tension au coeur de l'été 2022, pour tenter de sauver ce qu'ils pouvaient mais aussi le sentiment d'abandon, notamment médiatique, une fois les feux éteints.



L'exposition alternent entre photos grands formats montrant le désastre et de plus petits portraits d'habitants, accompagnés de leur témoignage quelques mois après. L'actualité s'en est allée voir ailleurs, laissant les femmes et les hommes de ce territoire face au vide et à leur forêt ravagée avec 31 600 hectares brûlés. "Dans ce paysage qui n’est plus, où la densité de la forêt cède parfois le pas à celle des quartiers pavillonnaires et des champs photovoltaïques, la cendre et son cortège d’objets calcinés et d’écorces noircis racontent un futur qui cherche sa modernité. Les pousses prometteuses peinent à apaiser l’incertitude et la colère des individus" concluent le collectif. Un projet définitivement humain, qui fait écho, un an après, à cette autre canicule que nous vivons cet été.


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