Dans les rues ou sur Tiktok, la nouvelle génération européenne demande la paix dans les territoires palestiniens occupés. Sit-in, boycott, manifestations, mais aussi filtres virtuels, une partie de la jeunesse prend faits et causes pour venir en aide aux civils gazaouis, sous les bombes israéliennes. Reportage à Londres et à Lyon, à la rencontre de cette nouvelle génération qui se mobilise, y compris sur les réseaux sociaux, pour réclamer la paix.
Reportage de Noémie Mayetela.
Depuis les massacres terroristes perpétrés par le Hamas le 7 octobre et la riposte militaire israélienne, à Londres l’organisation Palestine Solidarity Campaign (PSC) a commencé à organiser des marches, manifestations et sit-in. Ces actions ont débuté à partir du 14 octobre en soutien à la Palestine et pour demander un cessez-le-feu. Le 11 novembre dernier, la marche reliant Hyde Park à l’ambassade des États-Unis a rassemblé 300 000 personnes selon la police et 1 million selon les organisateurs. Ces derniers rapportent même que ce rassemblement pourrait être le plus grand rassemblement politique de l’histoire britannique.
Le 15 novembre dernier, Londoniens et Londonniennes s’étaient encore une fois réunis devant le Parlement en amont d’un vote par les PMs (Parliement Members) concernant un cessez-le-feu à Gaza. Quelques milliers de personnes étaient présentes à l’extérieur de la Chambre des Communes, dont beaucoup de jeunes. On pouvait ressentir leur colère mais aussi leur espoir, et ce, malgré le résultat du vote : 293 “Contre” un cessez-le-feu à Gaza et 125 “Pour”. “Free Palestine”, “Ceasefire now” (“un cessez-le-feu maintenant”), “Shame on you” (“honte à vous”), “From the river to the sea, Palestine will be free” sont acclamés à l’unisson. Encore aujourd'hui, PSC n’hésite pas à appeler à sortir dans la rue pour réclamer un cessez-le-feu.
“Participer à des manifestations, ça fait beaucoup plus que de partager sur les réseaux sociaux”
Coiffée d’un keffieh (foulard traditionnel moyen-oriental et symbole important des militants palestiniens) et voix cassée, Damia*, étudiante de 18 ans à Londres, affirme : “Je suis ici pour la Palestine. Ils ont besoin de notre voix pour se faire entendre !”. Mobilisée activement pour la libération de la Palestine depuis quelques années, Damia explique qu’il est plus qu’important de parler et de manifester : “Je pense sincèrement que si vous continuez à montrer que vous êtes présents pendant les manifestations, ensemble, les choses vont changer. Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain, mais bientôt insh'Allah.”
Également mobilisées via les réseaux sociaux, Tonia* et Lola*, 28 et 27 ans, soulignent l’importance de protester dans la rue : “Ma liberté n’a pas d’importance si le reste du monde n’est pas libre. [...] Participer à des manifestations, ça fait beaucoup plus que de partager sur les réseaux sociaux.” Munies d’une pancarte “Stop the war in Gaza”, les deux jeunes femmes ont toujours milité, notamment pour des causes touchant aux droits des femmes ou à la corruption en Amérique latine, d’où elles sont originaires. Être présentes ici sonne comme une évidence pour Tonia et Lola : “Crois-moi si tout le monde fait ça [manifester], les gouvernements vont prendre peur. C’est comme une révolution.” Cependant, comme l’explique Lola, pour certains, manifester peut rimer avec anxiété et panique. Mais il existe aussi d’autres moyens de se mobiliser, accessibles et faciles aujourd’hui. Il est possible d’avoir une voix grâce aux réseaux sociaux et/ou à travers le boycott.
Une autre solution : le boycott
“Les manifestations, c’est un peu compliqué pour moi d’y aller. Ça me fait un peu peur avec la police. Alors, je partage beaucoup sur les réseaux sociaux, j’en parle un maximum avec mon entourage, surtout sur le boycott.” Kim*, 20 ans, habite à Lyon et est en école d’infirmière. Aujourd’hui, elle a décidé, plus que jamais, de boycotter les grandes marques complices des violations des droits des Palestiniens et de partager son engagement sur les réseaux sociaux. “Dans ma famille, on boycotte des marques depuis des années, comme Coca-Cola : on en a jamais eu à la maison. En allant m’informer toute seule, je me suis dit que moi aussi, je n’allais pas participer à tout ça.”
“Juste pour notre conscience, on ne devrait pas participer à ça.”
Coca-Cola ? Mcdonald’s ? Burger King ? Qu’est-ce que ces grands groupes ont à voir avec la situation en cours entre Israël et la Palestine ? Selon le mouvement palestinien Boycott, Divestment, Sanctions (BDS), des marques comme HP contribuent à la gestion du système d’identification biométrique israélien pour restreindre les déplacements des Palestiniens. Toujours selon BDS, Puma sponsorise l’Association israélienne de football qui comprend des équipes dans les colonies illégales d’Israël en Palestine occupée. Ces groupes font partie des “Big” à boycotter en priorité, comme nous l'explique Kim : “C’est vrai que ce n’est pas facile de s'y retrouver. C’est mieux de principalement boycotter le Big 5.” Il s’agit d’AXA, HP, Puma, Sodastream et les fruits et légumes provenant d’Israël. D’autres ajoutent à cette liste Carrefour ou encore Mcdonald’s, tous deux critiqués pour avoir fourni repas et denrées alimentaires à l’armée israélienne. “Ma mère m’a toujours dit de boycotter, et j’ai aussi fait plusieurs vidéos par rapport à ça sur Tiktok, Snapchat et Instagram”, ajoute Kim, déterminée.
Aujourd’hui, à travers le monde, des milliers de personnes annoncent vouloir boycotter ces marques : davantage après la riposte israélienne sur Gaza. Kim affirme : “Ça peut changer quelque chose selon moi. La preuve : on a été des milliers à boycotter Mcdonald’s et ils ont carrément fait un post en justifiant leur position.” En effet, le 7 novembre dernier, dans un tweet, Mcdonad’s France certifiait ne financer, ni soutenir “aucun gouvernement impliqué dans ce conflit.” Même phénomène de l’autre côté du globe, après un appel à boycotter la chaîne Starbucks, Starbucks Workers United assurait dans un tweet soutenir les Palestiniens. Comme nous le dit Kim avec conviction : “L’union fait la force.”
TikTok : le nouvel atout des jeunes
Les mouvements Black Lives Matter, Stop Asian Hate, Justice pour Adama : beaucoup de causes ont d’abord débuté sur les réseaux sociaux (Instagram, Twitter et plus récemment Tiktok). Le mouvement de soutien pour la libération de la Palestine n’y échappe pas. Le hashtag #FreePalestine a été utilisé 27,8 milliards de fois ou encore #Ceasefireingaza utilisé plus de 8,3 millions de fois sur l’application. Cependant, aujourd’hui, la plateforme Tiktok ne vous limite pas à seulement partager des cagnottes ou aimer des posts. Grâce aux fonds pour les créateurs Tiktok, les vidéos ou même les filtres virtuels que vous créez peuvent générer de l’argent. Depuis, de nombreux créateurs de contenus ont pris l’initiative de créer des “filters for good” (“filtres pour le bien”). À partir de 200 000 utlisations, le créateur peut récolter de l’argent. Beaucoups de filtres ont pullulé sur l’application, avec pour symbole la pastèque, représentant la résistance palestinienne.
Néanmoins, le filtre le plus utilisé est celui de la créatrice de contenus Jourdan Louise (@xojourdanlouise). Originaire de Californie du Sud, cette créatrice AR (de réalité augmentée) de 27 ans raconte sa surprise devant le nombre record d’utilisations : “J'espérais qu'il atteindrait le seuil des 200 000 vidéos pour gagner un peu d'argent, mais j'ai été très surprise qu'il atteigne le montant maximum en 10 jours ! Je pense qu'en plus de l'intention du filtre, sa simplicité permet de l'incorporer de manière créative et de l'utiliser à de nombreuses reprises. C'est incroyable de voir que quelque chose que j'ai créé a atteint autant de personnes à travers le monde, et ce pour une bonne cause”, nous explique-t-elle. Avec plus de 8,4 millions d’utilisations, ce filtre qui prend la forme d'un mini-jeu aurait permis de récolter la somme de 14 000$, en deux semaines, a annoncé la créatrice le 16 novembre, représentant une infime partie de l’argent nécessaire face à l’urgence à Gaza.
Début novembre, l’Organisation des Nations Unies sollicitait 500 millions de dollars de financement d’urgence. L’argent sera reversé à des associations venant en aide aux habitants de Gaza : “J'ai l'intention de diviser les fonds à donner. La moitié ira à Médecins sans frontières, et le reste sera utilisé pour d'autres aides comme celles que j'ai mentionnées dans certaines de mes vidéos, comme eSims. J'ai également pensé à HumanAppeal et au PCRF”, ajoute l’américaine Jordan Louise.
De la même façon, de nombreux créateurs créent des vidéos d’une durée minimum d’une minute, permettant la monétisation, et incitent les utilisateurs à regarder au moins cinq secondes du Tiktok pour pouvoir générer des revenus ; revenus qui seront reversés à des organisations humanitaires. Nous assistons à une nouvelle manière de se mobiliser, facile et accessible puisque ces filtres et vidéos Tiktoks permettent, avec un peu de votre temps, de récolter de l’argent pour une cause en touchant notamment les jeunes, très présentes sur les réseaux sociaux.
*Les prénoms ont été modifiés.
Comments