Dans le 20e arrondissement, l’entreprise ETIC lance le projet d’un bâtiment écologique et solidaire, le Wikivillage. 7500 m² de bureaux, d’espaces de réunion et de restauration sont désormais presque achevés. Ils devraient accueillir leurs locataires au début de l’année 2024. La structure en écoconstruction met en place des stratégies pour réduire ses dépenses et proposer des loyers accessibles.
Au pied du bâtiment, des ouvriers s’affairent à finaliser les bardages de bois du “Wikivillage”. Vaste ensemble composé de bureaux, d’espaces de restauration et de réunion, c’est un projet qui se veut à la fois écologique et solidaire. Et comme les matériaux sont plus coûteux pour ce genre de construction, ETIC a tenté de rééquilibrer les dépenses en faisant beaucoup de récup’.
Crédits : Anna Quehen
Quand écologie rime avec économie
Au Wikivillage, l'enjeu réside dans moins consommer et plus recycler, jusqu'à même revaloriser les déchets. Le réemploi concerne notamment les matériaux de construction. “Nous avons par exemple récupéré des radiateurs en fonte destinés à être jetés. Ils fonctionnent finalement très bien.” explique Cécile Galoselva, la fondatrice et présidente d'ETIC. Le mobilier des tisaneries, petites kitchenettes installées aux alentours des bureaux, est également issu de la récupération. Il provient de l’événementiel, et a été restauré pour l’occasion. C’est aussi le cas du bardage en bois qui recouvre la toiture. “Il était voué à être jeté car jugé trop inesthétique. Il y avait plein de nœuds dans le bois. Mais finalement, le résultat est concluant.” raconte Camille Mauboussin. Cela permet de réaliser des économies considérables. Par ailleurs, la construction écologique est habituellement plus onéreuse, et le recyclage permet de répondre à cette problématique.
“Et au final, même si un bâtiment tout en bois est plus cher, il aura une meilleure durabilité à long terme. Les matériaux seront toujours réutilisables dans 50 ans.”
L’entreprise a également installé des systèmes de recyclage pour ses futurs locataires. “Un compost va être installé sur la toiture. Il servira à transformer les déchets alimentaires issus de la salle de restauration.” Si le compost ne surprend pas, le système de recyclage des toilettes est en revanche plus inhabituel. Les sanitaires sont composés à la fois de séparateurs d’urine et d’urinoires secs. Le premier système permet de récupérer l'urine et de la recycler. Celle-ci sera utilisée par des agriculteurs comme fertilisant. Quant aux urinoirs secs, “ils permettent une économie d’eau de presque 6000 litres d’eau par jour”, ajoute Camille Mauboussin. “On fait partie des premiers à installer ce système à cette échelle, pour les sanitaires féminins.”
Tout a été pensé pour réduire les émissions d’énergie. Des puits de lumière sont présents, afin de pouvoir augmenter la température des locaux en hiver. Sur le toit, des panneaux photovoltaïques sont installés, pour tirer profit du soleil qui éclaire abondamment la façade. Ensuite, le bâtiment est entièrement conçu en bois. “Au lieu du béton, nous avons privilégié ce matériau qui permet de réduire considérablement les émissions de CO2. D’ailleurs, c’est principalement du bois français et européen.”, explique Camille Mauboussin, Cheffe de projet à ETIC.
Enfin, tous les espaces extérieurs seront végétalisés. “Des jardinières seront sur toutes les fenêtres. Il y aura des plantes grimpantes qui apporteront une ombre naturelle”, ajoute la cheffe de projet. Sur la toiture végétalisée, il y a 600 m2 d’espace cultivable. “On aimerait confier cet espace à un exploitant local. Nous envisageons peut-être, à terme, de cultiver des produits à destination de la cantine.” D’ailleurs, celle-ci répond également à des critères écologiques strictes. Pour la structure qui investira la cantine, “il faudra chaque midi, proposer une alternative vegan. On leur demande aussi de privilégier des producteurs locaux et des produits issus du circuit court.” explique Oriane Sosnowicz.
Crédits : Anna Quehen
Un projet solidaire
“Ce lieu, c’est un village vivant ! Il s’inspire d’une structure associative” explique Oriane Sosnowicz. Il y a une grande porosité entre les espaces, mais aussi avec l’extérieur. Déjà, de nombreux lieux sont dédiés au coworking. Certains bureaux sont à double niveau, afin que les résidents puissent se croiser. “Ils ont vocation à faciliter la coopération, car on aimerait qu’il y ait des activités complémentaires entre les structures.” ajoute-t-elle. L’espace dédié au bureaux s’appelle d’ailleurs “La cité éthique”. En effet, l'entreprise veut accueillir des résidents répondant à des règles strictes, afin de créer un espace de partage répondant à certains principes de solidarité. “On a une charte pour recruter nos futurs résidents", précise Cécile Galoselva, la présidente d'ETIC. “Ils doivent avoir certains engagements en termes d’économie sociale et solidaire.”. Cette charte se retrouve sur leur site internet sous le nom de “Quintessentielle”. Salariés comme résidents doivent adhérer à ses principes. Parmi eux, il y a l'importance de la transparence à propos des “performances sociales, environnementales et financières”. Il y a également la nécessité d’être soucieux de son impact écologique. Les résidents devront également privilégier “une gouvernance partagée, ainsi qu’avoir de faibles écarts de salaires.” explique Cécile Galoselva.
Crédits : Anna Quehen
D’ailleurs, en matière de loyer, ETIC veut également s’engager à ne pas suivre les marchés spéculatifs. On peut lire sur le document qui présente le projet : “Loyers accessibles et protégés des effets spéculatifs du marché classique”.
Interrogés sur les tarifs, ETIC donne des chiffres: “Les loyers varient d'un espace à un autre, de 105 à 365€ HT/m²/an selon l'usage, la finition et l'étage où il se trouve.” Ce qui revient en moyenne à 235€ par an, par mètre carré, et donc 19€ par mois, ce qui est effectivement plus bas que la moyenne du marché immobilier dans le 20e arrondissement (28€ m²/mois en moyenne). Mais pour les bureaux les plus coûteux, cela s’élève à 30€ m²/mois, donc un peu au-dessus de la moyenne. Le projet à tout de même coûté 28 millions d’euros, qu’il faudra rentabiliser. Pour le financer, ETIC a tout de même bénéficié de nombreux soutiens, de la part d’acteurs privés comme le fonds NovESS, mais aussi publics comme la région Ile-de-France et de la Ville de Paris. Il faut rappeler que le lieu a été lauréat de l’appel à projet “Réinventer Paris”, ce qui lui permet de bénéficier de cet emplacement privilégié. D’ailleurs, le Wikivillage compte tirer profit de cette localisation.
Dans ce quartier du 20e arrondissement, il y a quelques commerces, mais surtout un grand tissu associatif. “On fait ce travail d’encrage citadin. Par exemple, nous sommes en lien avec des asso locales comme La récolte citadine.” Le WikiVillage ouvrira les portes de l’espace de restauration à tous les visiteurs extérieurs. Le lieu devrait commencer à accueillir ses résidents en mars prochain.
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